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extrême droite - Page 3

  • Feu sur la désinformation... (37)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés, consacrée au décryptage des médias et dirigée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, avec le concours d'Hervé.

    Au sommaire :

    • 1 : Censure sur internet au nom du combat contre le djihadisme.

    • 2 : Le zapping d’I-Média.

    • 3 : Béziers : Indignation sélective.
    • 4 :  Tweets d’I-Média.
    • 5 :  Extrême droite, réflexe pavlovien.
    • 6 :  Le bobard de la semaine.

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  • Oméga...

    Les éditions Delcourt viennent de publier Oméga, une nouvelle et distrayante bande-dessinée uchronique de la collection Jour J concoctée par les scénaristes Fred BlanchardFred Duval et Jean-Pierre Pécau et par le dessinateur Maza. Ici, le postulat de départ, original, est que les ligues d'extrême droite ont réussi à faire tomber le régime parlementaire en février 34 et à instaurer un état autoritaire. Autoritaire et fort, puisqu'en réagissant par les armes à la tentative de remilitarisation de la Rhénanie par l'Allemagne, il provoque la chute du régime nazi et l'exil d'Hitler en Amérique du Sud !... On n'évite pas les écueils du politiquement correct, mais on trouve glissées dans l'histoire quelques amusantes pépites. On verra ainsi le rôle que les scénaristes, dans leur intrigue, ont réservé à Simone de Beauvoir...

     

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    " Depuis huit ans, à la suite du coup d'État des ligues d'extrême droite le 6 février 1934, la France a cessé d'être une république et n'a plus qu'un adversaire, la seule démocratie encore existante en Europe : la Grande-Bretagne. L'Europe est au bord du gouffre. La disparition du capitaine Antoine de Saint-Exupéry au-dessus de la Manche risque d'être l'étincelle qui mettra le feu aux poudres. "

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  • De la perte du sens des mots...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Nicolas Gauthier et publié sur Boulevard Voltaire. Alain de Benoist y évoque la perte du sens des mots et l'instauration progressive d'une novlangue orwellienne...

     

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    Vous vous êtes déjà exprimé sur Boulevard Voltaire à propos de la langue française. Vous en avez souligné le déclin et, surtout, les mauvais usages. Dites-en plus…

    Kŏngzĭ, alias Confucius, disait : « Lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté. » La perte du sens des mots fait partie de l’effondrement général des repères qui caractérise notre époque. D’où l’importance des définitions. Si l’on ne s’accorde pas sur ce que les mots désignent, il n’y a plus de débat possible, mais seulement un dialogue de sourds. Beaucoup de nos contemporains emploient déjà un mot pour un autre, ce qui traduit leur confusion mentale. Mais les mots sont aussi des armes, et le flou sémantique en est une autre. Il vise avant tout à discréditer ou à délégitimer. Employés de façon systématiquement péjorative, certains mots deviennent des injures (populisme, communautarisme, par exemple). La novlangue orwellienne alimente les polémiques à la façon d’une technique d’ahurissement. On ne peut répondre à cette dérive qu’avec une exigence de rigueur.

    Alors, prenons quelques exemples. « Extrême droite » ? En quoi est-elle extrême ? En quoi est-elle de droite ?

    Il y a chez les politologues deux écoles pour traiter de l’« extrême droite ». Les uns y voient une famille « extrêmement de droite », qui se borne à radicaliser des thématiques attribuées à tort ou à raison à la droite. Les autres préfèrent l’analyser à partir de la notion d’extrémisme, ce qui ne fait guère avancer les choses car cette notion est elle-même problématique (où commence-t-elle ?). Dans le discours public actuel, l’« extrême droite » est un concept attrape-tout, dont l’usage ressortit à une simple stratégie de délégitimation. Il est évident que, dès l’instant où l’« extrême droite » peut aussi bien désigner un sataniste néonazi qu’un catholique réactionnaire, un gaulliste souverainiste et un nostalgique de Vichy, un adversaire de l’avortement et un partisan de l’eugénisme, un national-bolchevique et un contre-révolutionnaire, un monarchiste et un défenseur convulsif de la laïcité, une telle expression est vide de sens. Elle n’a aucune valeur heuristique, phénoménologique ou herméneutique. À ceux qui l’emploient, il faut seulement demander quel contenu ils lui donnent, à supposer bien sûr qu’ils soient capables de le faire. La plupart en sont incapables.

    Antifascisme sans fascistes ? Ce dernier est mort depuis 1943 avec le putsch du maréchal Badoglio. On continue pourtant à nous faire peur avec…

    Il n’existe aucune définition scientifique du fascisme qui fasse l’unanimité chez les spécialistes. En toute rigueur, le mot ne s’applique qu’au ventennio mussolinien et, par extension, aux mouvements des années 1930 qui ont cherché à l’imiter. Le nazisme, fondé sur le racisme et l’antisémitisme, qui furent étrangers au fascisme jusqu’en 1938, constitue un cas tout à fait à part. La désignation du mouvement hitlérien comme « fascisme allemand » appartient à la langue du Komintern, c’est-à-dire de Staline. Bien entendu, on ne peut parler des « idées fascistes », ni les stigmatiser, sans en avoir lu les principaux théoriciens : Giuseppe Bottai, Giovanni Gentile, Carlo Costamagna, Berto Ricci, Alfredo Rocco, Ugo Spirito, Sergio Panunzio, etc. Le fascisme associe des thématiques qui ne lui appartiennent pas en propre (et qui me sont pour la plupart totalement étrangères), mais ce qui lui appartient en propre, c’est de les avoir réunies d’une manière spécifique. Le plus important est de bien voir qu’il est lié à une époque. Indissociable de l’expérience des tranchées, caractéristique de l’ère des masses, le fascisme n’est pensable que sous l’horizon de la modernité. Né de la guerre (la Première Guerre mondiale), il est mort de la guerre (la Seconde). Son souvenir peut susciter ici ou là des nostalgies pittoresques, comme l’épopée napoléonienne ou la résistance des Chouans, mais il n’est plus d’actualité à l’époque postmoderne.

    Le « fascisme » est devenu aujourd’hui un mot passe-partout, susceptible lui aussi de désigner n’importe quoi : fascisme vert, fascisme rose, sans oublier le fascisme islamique (l’« islamo-fascisme », pour parler comme les néoconservateurs américains qui ont créé cette chimère). On a même inventé des dérivés comme « fascisant » ou « fascistoïde ». Les Allemands parlent à juste titre de Gummiwort, de « mot-caoutchouc ». Quant à l’« antifascisme », qui prête à sourire, sa principale différence avec l’antifascisme des années 1930, c’est qu’il est absolument sans danger. Se dire antifasciste à l’époque du fascisme réel, c’était prendre un risque sérieux. Aujourd’hui, c’est un excellent moyen de faire carrière en s’affichant d’emblée comme un adepte de l’idéologie dominante. Il y a quelques années, voulant protester contre des expulsions d’immigrés clandestins, des hurluberlus étaient venus manifester près de la gare de l’Est en pyjamas rayés. Ils ressemblaient moins à des déportés qu’à des zèbres.

    Tout « anti » court par ailleurs le risque de tomber dans la spécularité. Pierre-André Taguieff a bien montré comment l’antiracisme manifeste une propension certaine à « raciser » les racistes, réels ou supposés. Il en va de même de l’antifascisme, de l’anticommunisme, de l’anti-islamisme, etc. Comme le disait en substance Aristote, il n’y a de contraires que du même genre. On devrait méditer pendant quelques heures sur cette observation.

    Anticommunisme sans communistes ? Même punition, même motif… Là, le « socialo-communisme » fait frémir les lecteurs du Figaro. Mais c’est un peu le même théâtre d’ombres…

    Le fascisme est en partie né d’une réaction au bolchevisme. L’époque des communismes est comme celle des fascismes : elle est derrière nous. Le Parti communiste français est devenu un parti social-démocrate, et le « dernier pays communiste du monde », la Chine, est aujourd’hui l’un des agents les plus actifs du capitalisme mondial. On peut même se demander si ce pays a jamais été vraiment communiste et si le maoïsme n’a pas été avant tout un radical avatar du vieux despotisme asiatique. Se dire aujourd’hui fasciste ou antifasciste, communiste ou anticommuniste, c’est avancer en regardant dans le rétroviseur. C’est surtout se tromper d’époque et, de ce fait, rester aveugle aux problématiques qui s’annoncent. Les militaires ont une invincible tendance à concevoir les prochaines guerres sur le modèle de celles qu’ils ont connues. Les civils ont du mal à penser un monde où ils n’ont jamais vécu. Il n’y a pire défaut pour quiconque veut entreprendre une action sociale ou politique que de n’avoir pas conscience du moment historique qui est le sien.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 1er août 2013)

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  • Le retour du diable ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent article de Pierre-André Taguieff, cueilli sur Tak et consacré à la diabolisation systématique de la droite par la gauche...

     

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    Droite : le retour du diable

    Dans le débat public, en France tout particulièrement, on observe une singulière surenchère dans les désignations de « l’extrémisme », du moins lorsqu’on parle de l’extrémisme « de droite ». Ces désignations se sont banalisées : « l’extrême droite radicale », « la plus extrême droite », « à l’extrême droite de l’extrême droite », etc. En un mot : dans le genre du discours de dénonciation, les professionnels du « plus à droite, tu meurs… » se multiplient parmi les commentateurs de « l’actualité politique ». Il semble s’agir pour eux de rivaliser en intensité dans la dénonciation du « pire ». L’extrémisation de l’extrême est la matrice d’un véritable lieu commun du discours politique contemporain, d’un toposde la rhétorique politique ordinaire.

    Mais, soulignons le fait, l’exercice paraît strictement réservé au traitement des habitants malheureux des terres « de droite » ou considérées comme telles – avec leurs invités privilégiés : les « nationalistes »,toujours en passe de devenir ce qu’ils sont (supposés être), des « ultra-nationalistes ». Ce qu’on appelle « l’extrême gauche » fait partie au contraire du paysage politique normal, et n’inquiète personne : le phénomène s’est folklorisé, même s’il peut rapporter de confortables sinécures (au Sénat ou au Parlement européen). L’extrémisation polémique peut s’opérer simplement par l’usage de l’expression stigmatisante : « à droite de la droite »1.

    De la droite à l’extrême

    Dès lors, la « droitisation » de la droite n’est rien d’autre que son extrémisation. Elle reste cependant elle-même : la droite, même radicalement « droitisée », ne sort pas de sa catégorie. Un homme de droite est toujours soupçonné d’être en cours de « droitisation »,nouveau nom de la menace vue de gauche et catégorie attrappe-tout2.

    Rien n’est pire, aux yeux des « paniqueurs » professionnels de gauche, que ce qu’on appelait naguère la « droite décomplexée », c’est-à-dire la droite osant être elle-même. Et, comme le diable, la « droitisation » est « polymorphe », elle multiplie les masques, elle paraît ce qu’elle n’est pas et n’est pas ce qu’elle paraît. Naissance d’un mythe répulsif. Par ailleurs, le passage à droite n’est pas un passage comme les autres : il marque le téméraire voyageur politique d’une tache indélébile. D’un acteur politique ou d’un intellectuel, on rappelle qu’il a été, dans sa jeunesse,« très à droite ». Il devient par là même suspect : on suppose qu’il a été imprégné d’une façon fatalement « durable » par son engagement « très à droite » de jeunesse. Un « très » qui est par nature un « trop ». Ce« péché de jeunesse » demeure comme une souillure. Être à droite, c’est toujours être trop à droite.

    La logique du pire repose ici sur la thèse selon laquelle la droite, par une malédiction tenant à sa nature, est vouée à être toujours plus à droite, à aller toujours plus loin à droite, à dériver toujours plus extrêmement à droite, vers la droite – donc vers elle-même. Être elle-même, pour « la droite », ce serait être extrême. Son être authentique serait son être extrémiste. Soit le summum du politiquement répulsif. Et tout individu « de droite » serait voué à un fatal retour à soi, c’est-à-dire à sa nature intrinsèquement droitière. Appartenir à « la droite », c’est appartenir à une « famille politique » ou « idéologique », comme on dit. Certains experts reconnaissent qu’il s’agit d’une « famille idéologique complexe et diversifiée »3. Mais « l’extrême droite » est aussi, pose-t-on, une « famille idéologique » qui s’inscrit dans un vaste espace « familial », celui des droites ou de « la droite ». Cette catégorisation revient à une malédiction. Il s’agit d’une « famille politique » maudite, qui contamine tout ce qu’elle touche, et souille par simple contact. La contagion est attribuée à « la famille » comme aux « sous-familles ». Dire que « la droite » et « l’extrême droite » ont des points communs, des thèmes communs ou des frontières communes, qu’elles « partagent des valeurs » ou s’imitent l’une l’autre, c’est diaboliser « la droite ».

    Les mythes fondateurs de l’antifascisme

    Pour comprendre la force de cette diabolisation, il faut considérer de près les mythes constitutifs de ce qu’il est convenu d’appeler « l’antifascisme », qui s’est défini vers le milieu des années 1930, à l’initiative de la propagande soviétique, comme machine de guerre idéologique contre le national-socialisme. L’antifascisme d’origine soviétique est devenu banal dans les démocraties occidentales, il s’est diffusé, après la Seconde Guerre mondiale, dans le champ tout entier des opinions et des croyances.

    L’imprégnation antifasciste a modelé l’esprit public, affectant les droites comme les gauches, et, en conséquence, contribuant à effacer le clivage droite/gauche4. C’est là ce qui explique le fait que le comble de l’horreur, dans les représentations sociales des démocraties contemporaines, a un titulaire indétrônable : Adolf Hitler. Si Hitler et le nazisme incarnent l’horreur politique même, l’horreur maximale, et plus précisément le pire dans l’ordre de l’extrémisme de droite, ils peuvent jouer le rôle d’un critère d’identification et de classement : les « extrémistes » vont dès lors être situés selon leur plus ou moins grande proximité vis-à-vis de l’hitlérisme ou du nazisme. Mais certains débatteurs vont plus loin : ils vont au-delà de la simple nazification, et accusent leurs ennemis d’être pire qu’Hitler. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la notion est difficile à concevoir : comment être pire que le Mal absolu ? Et, pourtant, ce qu’il faut bien appeler l’ultra-nazification existe et persiste dans les âmes et dans les mots.

    On a parfois l’impression que les « spécialistes de l’extrême droite », diplômés ou non, sont des disciples du personnage joué par le sémillant Christian Clavier dans le film de Jeannot Szwarc, La Vengeance d’une blonde (1994) : le héros très agité de cette comédie, présentateur de journal télévisé, après avoir été enlevé par une bande de néo-nazis d’opérette, les décrit à son épouse incrédule comme situés « à l’extrême droite d’Hitler ». Donc pire que le pire : l’horizon indépassable de l’horreur contemporaine est ainsi repoussé. On ne saurait dire mieux, ni suggérer pire. Toujours plus fort ! La frénésie polémique est sans limites. Les indignés délateurs s’appuyant sur une historiographie de militants d’extrême gauche, ne voyant l’extrémisme que chez ceux d’en face, l’exercent dans leurs étiquetages du Mal. Il y a là une bouillie conceptuelle engendrée par la rencontre d’une historiographie policière (se contentant de ficher et de dénoncer avec indignation), d’un esprit militant manichéen et d’une formation intellectuelle insuffisante – on hésite entre deux diagnostics : degré zéro de la réflexion méthodologique ou ignorance des problèmes épistémologiques élémentaires. Le moralisme de l’indignation outrancière remplace la réflexion. Au cri d’indignation ou d’horreur s’ajoutent souvent la condamnation morale en guise d’analyse et la dénonciation édifiante en guise d’épistémologie.

    La confusion intellectuelle

    Les formules creuses font bon ménage avec la confusion intellectuelle, dans tous les camps. Dans l’idéologie gauchiste hexagonale, Le Pen étant tenu pour une réincarnation d’Hitler, la reductio ad Lepenum va de soi. Le directeur-adjoint de Libération, Sylvain Bourmeau, dont on regrette qu’il n’ait pas joué un rôle, même mineur, dans La Vengeance d’un blonde, a ainsi jeté l’anathème sur l’écrivain Renaud Camus, en déclarant qu’on pouvait le « classer à la droite de Jean-Marie Le Pen ». Pire que le pire, encore une fois : déjà, en 2000, Laure Adler, alors directrice de France Culture, aurait déclaré que Renaud Camus était « pire qu’Hitler5« .Donc pire que le diable. Il s’agissait bien là d’un acte de baptême sataniste : proférer l’insulte rituelle maximale, une insulte ultra-nazifiante, c’est inventer une nouvelle chimère politique, c’est faire naître un nouvel ultra-extrémiste de droite, un être à peine nommable, mais point du tout pensable. Simplement dénonçable. La diabolisation est ici à son comble.

    Simplifions le tableau de la logique antidroitiste, ultime rejeton de l’antifascisme stalinien, devenu la pensée commune des gauches : l’axiome est que la droite est maudite ; la loi d’évolution est qu’en raison de sa nature, la droite est vouée à se développer sur le mode d’une (auto-)extrémisation sans limites, comme extrême droite, puis extrême extrême droite, à l’infini. Un infini horrifique dont l’expression « à l’extrême droite d’Hitler » donne une idée. « À la droite de Satan » représente une formule alternative, à la Taxil6. Et l’on sait qu’après bien des voyages imprévus, le diable est revenu par « la gauche », au fur et à mesure que celle-ci s’est vidée de son sens, en même temps que la « distinction fossile7«  dans laquelle elle prenait place. Ses projets d’émancipation et de justice sociale s’étant soit banalisés par leur réalisation même (l’État-providence), soit transformés en chimères dangereuses eu égard aux dictatures totalitaires qui s’en sont réclamé, « la gauche » est devenu un champ de non-attraction symbolique. N’ayant rien à proposer qui n’existe déjà ou n’ait déjà échoué, « la gauche » ne peut exister sans se donner des ennemis diaboliques, définis exclusivement par un ensemble de traits négatifs. Elle tient son semblant d’existence des ennemis chimériques qu’elle s’invente et à l’existence desquels, fascinée par ses propres créations, elle finit souvent par croire. Ces ennemis fictifs sont de nature satanique. « L’extrême droite », c’est la droite luciférienne de la nouvelle « Bonne Presse ». Face aux possédés, seul l’exorcisme est de rigueur. Dans un premier temps, l’anathème et l’imprécation sont recommandés.

    Il ne faut pourtant pas s’en tenir au simple constat que la bêtise ou le vide est à gauche, voire de gauche, et, pour retourner le compliment, qu’elle n’atteint ses sommets que dans une gauche devenue pleinement elle-même, c’est-à-dire extrême. La gauche est simplement elle-même dans son imagination polémique, lorsqu’elle fait naître ou renaître des fantômes, se nourrissant pour survivre de récits d’épouvante peuplés de personnages répulsifs, dits « d’extrême droite » ou « de droite extrême ». Face à la menace, elle s’érige en « barrage » : le diable ne passera pas, réaffirme-t-elle. Le plus surprenant dans l’affaire, c’est que l’opération continue de marcher. Le diable reste à la porte. Seuls quelques diablotins pénètrent par le trou de la serrure. La politique n’a point cessé de relever de la magie.

    Pierre-André Taguieff (Tak, 31 juillet 2012)

     

    1. Philippe Vervaecke (éd.), À droite de la droite. Droites radicales en France et en Grande-Bretagne au XXe siècle, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2012. Cet ouvrage collectif vaut mieux que son titre-slogan, et donne à lire quelques excellentes études. 
    2. La catégorie polémique fourre-tout est ainsi présentée par deux jeunes essayistes socialistes, Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin : « Ce que nous appelons “droitisation” n’est pas la victoire des droites d’hier, mais un phénomène autre, nouveau, lié à la peur du déclassement de l’Occident, qu’il soit européen ou américain. Diffus, parfois contradictoire, ce phénomène a pris une ampleur toujours plus grande. Occidentalisme, identitarisme, islamophobie en constituent des traits caractéristiques dont le degré de sophistication évolue évidemment selon les publics » (Voyage au bout de la droite. Des paniques morales à la contestation droitière, Paris, Mille et une nuits, 2011, p. 10). 
    3. Jean-Yves Camus, « L’extrême droite : une famille idéologique complexe et diversifiée », La Pensée et les Hommes, n° 68, juin 2008. 
    4. Voir Pierre-André Taguieff, Les Contre-réactionnaires. Le progressisme comme illusion et imposture, Paris, Denoël, 2007. 
    5. Sur ce qu’il convenu d’appeler « l’affaire Renaud Camus », ou plus exactement la première en date (printemps 2000), provoquée par quelques lignes de son journal de 1994, La Campagne de France (Paris, Fayard, 2000), voir notamment le témoignage de Claude Durand, Avant-propos assorti de quelques matériaux et réflexions pour une étude socio-médiologique de l’“affaire Camus” (juin 2000) ; Pierre Péan et Philippe Cohen, La Face cachée du Monde. Du contre-pouvoir aux abus de pouvoir, Paris, Mille et une nuits, 2003, p. 364-370 ; et l’interview d’Alain Finkielkraut, in Ralph William Sarkonak, Les Spirales du sens chez Renaud Camus, Amsterdam et New York, Éditions Rodopi, 2009, pp. 273-290. 
    6. Docteur Bataille (pseudonyme), Le Diable au XIXe siècle ou les mystères du spiritisme. La franc-maçonnerie luciférienne, Paris et Lyon, Delhomme et Briguet, 1895, 2 vol. 
    7. Jean Baudrillard, De l’exorcisme en politique… ou la conjuration des imbéciles, Paris, Sens & Tonka, 1998, p. 20. 
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  • Deux poids, deux mesures...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent article de Christian Millau, cueilli sur Atlantico  et consacré à la troublante différence de traitement entre Maxime Brunerie, jeune militant de la droite radicale connu pour avoir tenté de tirer sur Jacques Chirac en 2002, à l'occasion du défilé du 14 juillet, dont l'intégration dans le jury d'un prix littéraire de seconde zone a suscité une violente polémique, et Cesare Battisti, terroriste d'extrême gauche, accusé d'avoir froidement assassiné un policier et un gardien de prison dans les années 70 en Italie, et , par ailleurs, auteur de polars et coqueluche du milieu littéraire germanopratin... 

     

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    Pourquoi les bonnes âmes préfèrent-elles un Battisti en cavale et non repenti, à un Brunerie ayant purgé sa peine et revenu de ses erreurs ?

    S’avisant au tout dernier moment que Maxime Brunerie, le jeune homme qui avait tenté de tuer Jacques Chirac le 14 juillet 2002, faisait partie du jury du Prix littéraire du Savoir et de la Recherche , David Le Breton, le lauréat pressenti, a refusé d’être couronné, l’Université Paris-Descartes a rompu son partenariat et de nombreux jurés ont démissionné. Un passé d'extrême droite exclut-il tout droit à la rédemption ?

    Maxime Brunerie ? Pour moi, c’était un jeune homme dérangé qui avait voulu descendre Jacques Chirac avec un 22 long rifle et qui a été libéré en 2009, après sept ans de réclusion. J’apprends que la romancière Laurence Biava, fondatrice de ce nouveau prix, faisant sa connaissance au Salon du Livre où il présentait son récit autobiographique, Une vie ordinaire, avait été séduite par sa "brillante intelligence" et sa volonté de rédemption. Il lui avait expliqué qu’il ne rêvait pas de tuer Jacques Chirac mais d’être lui-même abattu par le GIGN. Un peu compliqué, mais pourquoi pas ? Ce n’était sûrement pas pour rien qu’au moment de son procès, il avait été soumis à un examen psychiatrique. Il en avait néanmoins pris pour dix ans.

    Quoiqu’il en soit le problème n’est pas là. Que Brunerie ait été sérieusement fêlé et ne le soit plus, qu’il regrette sincèrement ou non son geste, les jurés de ce Prix s’en contrefichent. La clé de toute cette (mince) affaire se trouve dans le titre de la dépêche de Rue89 :« Brunerie, l’ancien facho qui voulait tuer Chirac ». Eh oui, un ancien facho ! Autrement dit, une ordure (un ancien stalinien étant, lui, des plus convenables). Et qu’avait-il fait d’affreux et d’inexcusable dans sa vie, l’ancien facho ? Il avait été candidat du parti de Bruno Mégret aux municipales (un diable, Mégret ? Plutôt un pauvre diable) et fréquenté les milieux d’extrême droite. En juillet dernier, il avait voulu adhérer au Modem de François Bayrou ! Vous savez, ce mouvement terroriste de lanceurs de bombes ? Bref, le dernier des salauds.

    Je précise que je ne connais pas ce type, que je n’ai jamais tiré sur un président de la République et que j’ai envie de vous dire : vous voyez ce que la politique mal comprise peut faire d’un jeune homme cultivé qui se voyait sans doute un grand destin.

    Peu importe qu’il ait purgé sa peine et ait droit à la mansuétude - si souvent proclamée par la gauche – de ses compatriotes. Un repenti de l’extrême droite ? Mon dieu, quelle horreur ! Pour Me Emmanuel Pierrat, avocat et élu PS, qui a les idées larges en ce qui le concerne et étroites en ce qui concerne les autres, Eliette Abecassis, philosophe et romancière à succès, Mazarine Pingeot, Arnaud Viviant (ce "héros" qui a craché sur la dépouille de Philippe Muray), Fabrice Lardreau, jeune romancier qui combat l’exclusion (à l’exception de ceux qu’il exclut lui-même) et quelques autres, pas question de mêler leurs voix à celle d’une pareille vermine.

    Bien-sûr, je ne conteste à personne le droit de refuser un prix  ou de le donner, mais imaginons un instant un autre scénario. Cette fois, il ne s’agit pas d’un facho mais d’un ancien militant de l’extrême gauche italienne – celle-là même qui exécuta Aldo Moro - fondateur des Prolétaires Armés, condamné par contumace  par la justice italienne à la perpétuité pour  l’assassinat d’un gardien de prison et d’un policier, ainsi que pour complicité dans les meurtres d’un boucher et d’un bijoutier de Milan dont le fils, rescapé de la fusillade, est resté tétraplégique. Césare Battisti – vous l’avez reconnu –échappant pour la seconde fois à l’extradition (la première grâce à François Mitterrand) vit, à présent, libre au Brésil, sans s’être jamais repenti de quoi que ce soit.

    Tant qu’il n’aura pas été jugé, il faut se garder de se prononcer sur sa culpabilité ou son innocence. En tout cas, si cet assassin présumé, image sainte de notre gauche bien pensante – de Fred Vargas à Guy Bedos – pouvait revenir en France et si on l’invitait à participer au  jury du Prix du Savoir et de la Recherche, on peut être certain que ni Mazarine Pingeot, ni  Emmanuel Pierrat ou Arnaud Viviant ne claqueraient la porte. Avec Libération, Rue89, Médiapart et tout le lobby des intellos "comme il faut",, le retour du héros serait salué comme une victoire de la démocratie .

    Christian Millau (Atlantico, 23 novembre 2011)

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  • Le Bloc : un roman contre le FN, tout contre...

    « Finalement, tu es devenu fasciste à cause d'un sexe de fille. »

    « Tu te demandes vraiment, cette nuit, ce qui mérite le plus ton respect ou ton sacrifice. Une société où neuf couples sur dix, en sortant du cinéma, avant même de s'adresser la parole, rallument leur portable ou celle où une jeune fille voilée est capable de se faire exploser à un poste frontière au nom de son peuple et de sa foi. »

    « A l'époque quand on t'invitait, dans ces émissions, c'était pour que tu serves de punching-ball à la bonne conscience des antifascistes en peau de zob, des antiracistes avec bonniche tamoule non déclarée, et des post-soixante-huitards qui se gobergeaient aux commandes depuis trente ans, jouaient aux libertaires, se proclamaient du côté du progrès et n'avaient pas prononcé le mot “ouvrier” depuis qu'ils étaient descendus des barricades pour devenir patrons de presse ou députés européens. Et qui publiaient chaque année la même autofictionnette merdique, la même biographie sur un héros inattaquable de la Résistance derrière lequel ils cachaient leur nullité ou le même essai libéral-libertaire sur la mondialisation heureuse.»

    « Du sang. Soleil rouge. »

     

    Jérôme Leroy est un auteur inclassable, un auteur de gauche de droite, un hussard rouge, adepte d'un « communisme sexy et balnéaire », quelque peu guerrier aussi, qui écrit des polars d'anticipation particulièrement sombres et désenchantés, et dont l'oeuvre a toujours séduit les franges non-conformistes de la droite. L'auteur de ces lignes l'a découvert il y a plus d'une dizaine d'année au travers de son roman Monnaie bleue (Rocher, 1997), après la lecture d'une recension particulièrement élogieuse signée par Dominique Venner dans la revue Eléments (n°91, mars 1998). Qu'allait-il donc offrir à ses lecteurs en abordant un thème aussi délicat que celui du Front National ? Thierry di Rollo, honnête auteur de science-fiction, venait de se brûler les ailes sur le même sujet avec Préparer l'enfer (Gallimard, 2011), une daube outrageusement caricaturale et manichéenne... Alors le résultat, c'est Le Bloc, publié chez Gallimard, dans la Série noire, un polar politique percutant, construit autour de deux personnages archétypiques, Antoine et Stanko...

    Stanko, c'est le fils d'un peuple humilié, trahi et broyé par la mondialisation , qui par la violence et le sang, mais aussi par l'amitié et la fidélité, s'est forgé un présent de reître. « Sans vous, je serais en taule, avec des perdants de mon genre, ou à trainer comme une épave alcoolique, dans les villes du bassin minier, vieux skin au foie détruit, ou déjà mort ». Sacrifié, il va mourir en homme libre, une arme à la main, debout face au soleil.

    Antoine, lui, c'est l'intellectuel dégoûté par le monde tiède et aseptisé qui l'entoure, l'esthète au physique de rugbyman, dont la violence est comme un trop-plein d'énergie animale, et aussi le compagnon et l'amant éperdu d'Agnès Dorgelles, la nouvelle chef du Bloc, le parti de la droite populiste, en pleine ascension.

    Jérôme Leroy atteint une compréhension remarquable du milieu qu'il dépeint grâce à l'empathie dont il fait preuve, et qui place son roman à côté du Fasciste (Payot, 1988 ) de Thierry Marignac. Dans sa galerie de personnage, on trouve des tordus et des salauds, bien sûr, mais aussi des aventuriers déjantés, des convaincus et des combattants. Et Antoine, notamment, peut aisément trouver sa place dans la lignée des héros de Jérôme Leroy, de Laurent Sandre,dans Monnaie bleue, à Kléber, dans La minute prescrite pour l'assaut. Antoine, d'ailleurs, que le narrateur tutoie tout au long du livre pourrait presque passer pour un double de l'auteur, pour le personnage que sa jeunesse rouennaise aurait pu l'amener à devenir... Au fait, et si Jérôme Leroy était devenu communiste pour un sexe de fille ?...

    FD

     

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    "Sur fond d’émeutes de plus en plus incontrôlables dans les banlieues, le Bloc Patriotique, un parti d’extrême droite, s’apprête à entrer au gouvernement. La nuit où tout se négocie, deux hommes, Antoine et Stanko, se souviennent. Antoine est le mari d’Agnès Dorgelles, la présidente du Bloc. Stanko est le chef du service d’ordre du parti. Le premier attend dans le salon d’un appartement luxueux, le second dans la chambre d’un hôtel minable. Pendant un quart de siècle, ils ont été comme des frères. Pendant un quart de siècle, ils ont participé à toutes les manips qui ont amené le Bloc Patriotique aux portes du pouvoir. Pendant un quart de siècle, ils n’ont reculé devant rien. Ensemble, ils ont connu la violence, traversé des tragédies, vécu dans le secret et la haine. Le pire, c’est qu’ils ont aimé cela et qu’ils ne regrettent rien. Ils sont maudits et ils le savent. Au matin, l’un des deux devra mourir, au nom de l’intérêt supérieur du Bloc. Mais qu’importe : à leur manière, ils auront écrit l’Histoire. Plus qu’un simple roman noir, Le Bloc est un roman politique qui cherche à répondre à une question de plus en plus cruciale : comment expliquer et surtout comprendre l’affirmation de l’extrême droite dans les 30 dernières années ? En plongeant le lecteur dans la tête des deux protagonistes centraux, dans une posture empathique et compréhensive à mille lieux de la critique antifasciste traditionnelle, Jérôme Leroy prend des risques. La critique, bien présente, est ici en creux, elle se dessine dans l’esprit même du lecteur sans que l’auteur ait besoin de la formuler. En décrivant le parcours de ces deux hommes, il peint un tableau général de la déliquescence politique française contemporaine : disparition progressive du PC, abandon de la classe ouvrière par une gauche socialiste « boboisé » qui se réfère plus à l’idéologie libéralo-libertaire de Mai 68 qu’à la lutte des classes, droite de plus en plus arrogante, tournée vers le business et les profits transnationaux. Leroy décrit une société française à l’agonie, une poudrière qui éclate soudainement lors d’émeutes dont tout le monde parlait mais que personne en réalité n’a vu venir. Son constat fait mouche et oblige son lecteur à reconsidérer l’espace politique qui l’entoure."

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